Il y a des jours où je regrette de ne pas avoir brûlé avec ma ville

Il y a des jours où je me demande si je n’ai pas brûlé avec elle sans m’en rendre compte

Pour assurer sa survie et celle sa famille, Énée, laissant derrière lui son épouse décédée, doit fuir sa ville en flammes avec son père et son fils ; il errera pendant des années à la recherche d’une terre d’accueil. Le poème de Virgile devient ici une pièce mi-actuelle, mi-atemporelle où le voyage mythique du héros troyen permet d’évoquer les histoires de migrations et de déplacements de populations du dernier siècle. Re´e´criture contemporaine, donc (nos antihéros débarquent dans un tout-inclus, rencontrent un agent d’immigration, visitent un camp de re´fugiés, parlent avec un graffiteur, squattent un immeuble…), la pièce s’inspire en outre du roman familial de l’auteur, dont le grand-père, Égyptien d’origine libanaise, a dû quitter Le Caire lors des troubles religieux et nationalistes de 1952.

Il en résulte un texte à la fois épique et très personnel, qui explore la trajectoire de ceux qui courent pour sauver leur vie (définition que donne l’ONU du terme « réfugiés », lesquels étaient au nombre de vingt-deux millions en 2018), mais aussi, plus largement, les concepts de nation, de haine, de peur de l’étranger. Drôle par moments, le périple d’Énée, dans sa douleur, est également intérieur : comment faire la paix avec sa colère ? comment construire l’avenir ?